Marcher, se porter vers le but, cela se passe autant dans la tête que dans les jambes. Je dois dire qu'en la matière la mienne peut se montrer bien déterminée. Je le sens au fil de ma descente vers le Sud de la France. La destination Compostelle s'impose, comme si elle saisissait ma volonté, mon esprit d'un "c'est comme cela. L'horizon, c'est celui là". D'ailleurs, je ne sais même pas dire si je le sens comme une volonté consciente, travaillée de ma part, ou comme un appel déterminé au delà de mon propre entendement. Je vois combien cette posture enlève toutes hésitations , tous atermoiements quant aux bienfaits et "bien pensés" des jours de doute éventuel. Je puis me demander ce que je fais là, en particulier sous la pluie....mais le chemin s'impose.
Les jambes ! Je me suis montré peu loquace sur les états corporels, dans le souci de ne pas encombrer le récit de ces petites aventures. Mais il serait orgueilleux de me prétendre abrité de quelques vissicitudes physiques.
Les ampoules ? Je n'en ai pas. Bénéfice de la course à pied, pour partie je pense. Et aussi peut être l'usage de chaussettes de trail, qui évitent tous les plis à l'origine de frottements traumatisants.
Mais on ne marche pas 35 km et plus sans accuser l'épreuve. Ma cheville gauche peine quelquefois. Réminiscences d'un accident de travail de janvier 1990 ! La malléole externe me rappelle ses limites, parfois épuisée et douloureuse le soir. Les nuits sont alors un peu agitées, et les petits matins parfois très compliqués ! J'avoue que la mise en train s'est faite très poussive par exemple au départ de Tulle. Merci au SC Tulliste qui a réveillé mes ardeurs !
Et puis...... Et puis ces quelques jours de repos m'ont aussi permis de mesurer la fatigue dorsale successive au port du sac. Après ces quelques jours, de sommeil, de pause, d'activités autres, le corps s'est redressé, la cheville un peu apaisée.
Je vais me préparer à l'étape 2 vers Compostelle . Direction Toulouse de nouveau, puis St Jean Pied de Port, pour le Camino del Norte, via Hendaye.
Une seconde aventure de 1100 km environ.
Ma première mise en jambes en chiffres, je l'offre aux amateurs de statistiques. 1200 km à raison de 34 par jour sur 5 semaines. 46550 pas par jour. Rennes, Angers, Tours, Limoges, Toulouse. 29, 22, 35, 44, 49, 37, 36, 23, 87, 19 , 46 (Lot), 82 (Tarn et Garonne), 81(Tarn ), 31 (Garonne ).
Mes chaussures y ont trouvé leurs limites, talons usés et imperméabilité défaillante.
Quelques kilos ont fui, le muscle a pris dans les réserves de graisse, la peau s'est un peu brunie ( le temps n'était quand même pas estival, loin s'en faut !).
Lundi 9 Mai, le bus, retour à Toulouse !
Suite de l'aventure.
Paul.
Pour vous souhaiter une bonne route ...
RépondreSupprimer(mon mari et moi sommes à Collioure pour la semaine)
Iris d'eau !
Vous nouer à mes chevilles !
En faire les lacets de mes sandales ...
Par ce haïku, Bashô "en parfait honnête homme" à la façon confucéenne, mais aussi en maître attentionné et en ami des plus délicats remercie l'hôte qu'il est sur le point de quitter et qui lui a offert « deux paires de sandales de paille à brides d'étoffe teinte en vert foncé » (Oku no Hosomichi).
"Vous nouer à mes chevilles !" exprime ici un souhait en français, car Bashô, littéralement, ne s'adresse pas à la plante, ni ne "parle aux fleurs". Le poète dépasse en tout cas visiblement le sens coutumier de ces iris de mai que l'on attache au toit, pour éloigner les mauvais esprits, ou que l'on met dans son bain. Pas plus qu'il ne se soucie de les relier, comme dans la tradition, au rossignol.
Tout, dans ces quelques syllabes, respire l'énergie. Bashô a fait le vide, il est maintenant disponible pour continuer son voyage, pour continuer à écrire. Il a l'esprit libre, léger comme l'air. Et les longues feuilles des iris d'eau s'imposent à son regard. Il veut donc les nouer à ses chevilles, tel Mercure attachant les ailerons à ses talons afin de pouvoir s'envoler. Un enfant heureux, sans nulle contrainte, qui se pare de fleurs ! Les barrières de civilisation sont franchies.